Création collective

Pourquoi jamais a 15 ans

Le 5 octobre 2024, pour fêter les 15 ans de Pourquoi jamais, des membres actifs et anciens membres du collectifs se sont réunis lors un party jam création interdisciplinaire libre dans l’espace collectif de la coopérative d’habitation l’Esperluette à Montréal!
Au menu de la création sonore et musicale, de la création visuelle et de la pizza épicée!

Le bruit du rêve

Résidence, les 24 et 25 mai 2024, poursuivant les explorations des résidences et représentations précédentes; suivie d’une pratique en extérieur au parc du Mont-Royal le 14 juin. Ces sessions de création ont permis d’affiner le scénario ainsi que les aspects sonores et visuels en préparation à de futures diffusions publiques.

Amplitude

Résidence artistique, du 12 au 16 juin 2023, sous forme d’activités de création sonore électroacoustique et d’explorations visuelles. Celles-ci utilisent des technologies libres et faites maison (DIY). À l’issue des pratiques, une performance collective de composition sonore en temps réel est présentée devant le public.

Projet réalisé avec le soutien du Pôle lavallois d’enseignement supérieur.

Laboratoire artistique d’action culturelle

Cette travailleuse de cortège, ou plutôt, cette « rêveuse au balai entourée de sa conscience excentrique » – qui a fait apparition durant la Parade phénoménale il y a quelques jours – a été au cœur d’un parcours d’explorations artistiques, de réflexions sociopolitiques et d’expérimentations en collectif avec Pourquoi jamais depuis 2017. (Frappée de plein fouet par la pandémie au printemps 2020, il aura fallu attendre le mois d’avril 2022 pour reprendre plus activement les activités du collectif et relancer ce déambulatoire [fut-il] en marche.)

Parallèlement à tout ça, durant cette même période, j’étais aux études à la maitrise en communication à l’UQAM. Le processus, les réflexions critiques et les créations menant à La Troupe expérimentale du Temps libre de Pourquoi jamais ont fait l’objet d’un mémoire de recherche-création déposé en avril 2021. Celui-ci visait notamment à apporter une contribution critique au sujet des pratiques artistiques collectives et des processus d’actions culturelles visant la transformation sociale.

Je vous partage ci-haut la documentation vidéo du parcours menant à ce projet (2017-2020), ainsi que le mémoire écrit qui l’accompagne : La Troupe expérimentale du Temps libre : un laboratoire artistique d’action culturelle (https://archipel.uqam.ca/14984/1/M17109.pdf).

Enfin, dans le contexte sociopolitique inquiétant des temps qui courent, je suis d’avis que nous avons un grand besoin de multiplier les occasions de rencontres artistiques, et participer à décupler leur autonomie et leur effervescence le plus largement possible. Nous avons besoin de l’art, de ce supplément d’âme qui observe la réalité avec attention, libère, critique, crée du commun et dévoile les possibles à construire. J’en suis convaincu, l’art nous est indispensable dans toute stratégie d’émancipation visant à transformer la société; société qui, à mon sens, se révèle inhumaine, destructrice et de plus en plus dépassée.

Je vous laisse ici avec deux citations d’Isabelle Garo que je trouve particulièrement intéressantes dans son livre L’or des images (2013).

Cette autonomie revendiquée et construite contre les normes capitalistes dominantes constitue la dimension politique fondamentale de l’art et des savoirs. Ainsi définie, elle n’est en rien illustrative, mais profondément créative, associant plusieurs dimensions, pas nécessairement toutes présentes en même temps : une exploration du réel par-delà les éléments reçus et les savoirs acquis ; un retour critique sur les savoirs et la culture dominants, tels qu’ils sont incorporés au fonctionnement capitaliste ; une volonté de donner à voir et à penser cette domination capitaliste elle-même en vue de participer à son abolition ; une culture de l’imagination et de l’anticipation qui ne se coupe pas des conditions réelles qui les nourrissent. (p. 244)

Finalement, la leçon donnée par l’art, ou par cette partie de l’art à la politique tient surtout à cette capacité, non à dessiner des futurs merveilleux, mais à alimenter des tensions ou des tendances, à soumettre à la réflexion collective la recherche individuelle. Après tout, la perspective d’une sortie et d’une abolition du capitalisme relève fondamentalement de la même capacité à préparer et à imaginer, de ce jeu de la pensée en somme, mais d’un jeu qui s’articule très rigoureusement à la fois à ce qui est, et à la conscience partagée que cet état des choses ne peut se prolonger. Cette inventivité politique, qui relie ou doit relier la critique élaborée aux inventions collectives et aux initiatives sociales et politiques, qui se nomme stratégie, trouve aussi son double dans l’art, sur un mode plus interrogatif, mais non moins inventif. Dans les deux cas, l’art et la politique d’aujourd’hui ont à nous rendre le goût de l’invention… (p. 269)

Le temps est 3

Le temps est un réveil qui me tend l’oreille.
Le temps est une proie à pétrir, un bon pain en devenir.
Le temps est une matière qui s’anime dans l’inconnu.
Le temps est un souffle au cœur.
Le temps est une création collective.
Le temps est un état à fréquenter.
Le temps est le dessin d’un symbole.
Le temps est un soir qui n’appelle qu’au matin.
Le temps est une mauvaise habitude.
Le temps est un semeur de rêves.
Le temps est une fresque donnant le vertige.
Le temps est une maman qui ne ferme pas les yeux.
Le temps est une pirouette qui rebondit.
Le temps est une main tachée d’encre.
Le temps est une naissance ailleurs.
Le temps est un moteur de langage avec une tournure technique.
Le temps est une lune qui ricane.
Le temps est un relief à plusieurs pics.

Le temps n’est pas un naïf refrain.
Le temps n’est pas le dos lisse d’un canard.
Le temps n’est pas une revue chargée de scandales.
Le temps n’est pas dégoulinant.
Le temps n’est pas la morsure d’un enfant sur le bras de l’adulte.
Le temps n’est pas la vie qui s’échappe.
Le temps n’est pas un train, ni en marche, ni à l’arrêt.
Le temps n’est pas un cadeau.
Le temps n’est pas un puits.
Le temps n’est pas (jamais) en retard.

Si j’étais le temps, je serais un tissu très doux.
Si j’étais le temps, je serais une eau salée tiède.
Si j’étais le temps, je serais toujours gourmand(e).
Si j’étais le temps, je serais un livre non ouvert.
Si j’étais le temps, je serais l’aube baignée d’espoir.
Si j’étais le temps, je serais un géant silencieux.
Si j’étais le temps, je serais nomade.

Le temps est 2

Le temps est un fil infini sur lequel il est trop bon de se laisser bercer.

… le nuage qui nous murmure des histoires souriantes, couché sur le dos.

… cette chaude chandelle qui bouge au rythme du pétillement d’un feu.

Le temps est cette journée pluvieuse, ou de maladie, qui nous fait apprécier l’ennui.
Il est ce voilier qui nous fait voyager.

Il est ce breakdance improvisé sans détour, avec un enfant, une soirée de party.
Il est l’étoile qui scintille la réalisation d’une corvée collective.

Le temps est un espace dans lequel il est si bon d’entrer.

Le temps est un vertige qui nous donne envie d’exister.

Le temps n’est pas un biscuit sec sans goût.

Il n’est pas un feu d’artifice qui tombe dans l’oubli.

Il n’est pas un baiser anodin.

Ou une télésérie crève cerveau un soir de semaine.

Il n’est pas non plus la grandeur du veston que je porte.
Ou la vapeur qui fait pression sur mon mur d’actualité.

Il n’est pas une grève en trop.

Ou le minerai inerte pour lequel on doit arrêter de se préoccuper.

Le temps est l’une des choses les plus précieuses avec laquelle l’on doit toutes et tous dialoguer.

Le temps sous contrainte capitaliste est une horloge, tic tac, qui nous observe.

Ce type de temps est une plaie douloureuse causée par l’effet de gravité d’une chaise de bureau.

Il est un ver de terre mal en point qu’on continue de sectionner à l’infini.

Il est cette douce brise qui s’écroule sous la lumière cathodique de mon ordinateur.
Il est ce gros caillou qui fait obstacle au temps lui-même.

Le temps sous contrainte capitaliste est un sentiment d’étouffement imposé par la matraque.

Il est une dette que l’on contracte à la naissance.

Une fleur qu’on oublie.

Il est la chose qui me fait marchandise.

Sans nuance, il est la chose qui m’est tout simplement… volée.

Le temps est 1

Le temps est un turboforage qui mange les villes par la racine.
Le temps est une éructation qui diminue la culture impopulaire.
Le temps est un graffiti qui affûte ses croutes lacrymales.
Le temps est un martyr qui amoncelle son coton sous les glaces polaires.
Le temps est un feu d’artifice qui corrompt les primevères de l’hiver.
Le temps est une situation qui doute du polygone non euclidien.
Le temps est un viaduc qui balaie les explosions de l’intestin.
Le temps est une faillite indigente qui triangule le cabinet ministériel.
Le temps est climatologue libéral qui prêche le déviationnisme siffleur.
Le temps est un macrodactyle qui subjugue les corneilles oblongues.

Le temps sous contrainte capitaliste est une concrétion qui inhume les fractures du larynx.
Le temps sous contrainte capitaliste est un volcan asynchrone avec une capacité de 60 à 600 œufs.
Le temps sous contrainte capitaliste est un faisceau cathodique qui atteste de la mauvaise foi.
Le temps sous contrainte capitaliste est un démagogue qui frissonne d’antidépressifs.
Le temps sous contrainte capitaliste est un patriarche qui fléchit le genou sans objection.
Le temps sous contrainte capitaliste est un incapable qui penche vers le tragique.
Le temps sous contrainte capitaliste est un postiche qui démasque l’arrosoir.
Le temps sous contrainte capitaliste est un esthète sans pesanteur qui hydrate son culte.
Le temps sous contrainte capitaliste est une harde souffreteuse qui saute à cloche-pied.
Le temps sous contrainte capitaliste est une opinion thermorégulée qui s’acharne à avoir de l’allure.

Le temps anesthésie le chocolat sur la ligne fortifiée.
Le temps répand une odeur capiteuse pour un oui, pour un non.
Le temps se rend maître de l’indécence du médiocre souverain.
Le temps marchande son embarras parmi les mauvaises herbes.
Le temps avale la pilule du candide gobe-mouches.
Le temps trompète les glouglous de la brosse à peau.
Le temps flétrit les apatrides sous Alpha de la Croix du Sud.
Le temps abrutit les phénomènes anecdotiques sans accoutumance.
Le temps s’embrase sans mesure l’ordinaire.
Le temps est une poussée de fièvre sans conscience.
Le temps est une amulette qui intercepte la lumière.
Le temps est un panier percé au-dessus des larmes.
Le temps s’égare dans le bouillon des orphelines.
Le temps sacré sacrifie son temps à la sagesse des drames.
Le temps trace des lettres vagabondes sans effleurer la fortune.
Le temps monte des mailles au vent des villes éternelles.
Le temps épluche les raisins des vieillards pendus aux candélabres.
Le temps jaune de chrome jonche les tourbières immorales.
Le temps se conforme à la rigidité des ondes modulées.
Le temps ankylosé romance les décolletés de cocottes en papier.